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LA SOCIETE EXISTE POUR LE BENEFICE COLLECTIF DES HOMMES ET NON LES HOMMES POUR LE BENEFICE DE LA SOCIETE 

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  • Nanou
18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 19:30


licenciements-copie-1.jpg                   Alternatives économiques hors série n°84

Comment sortir de la dictature du PIB ?

 

Le produit intérieur brut reste un indicateur utile, mais il doit être
compl
été par d'autres. Leur choix relève avant tout de la délibération
collective sur les valeurs qu'une société privilégie. 

Nous ne changerons pas nos comportements si nous ne changeons pas la mesure de nos performances. » Celui qui s'exprime ainsi n'est autre que Nicolas Sarkozy dans sa préface au rapport de la commission sur la mesure de la performance et du progrès social, présidée par l'économiste Joseph Stiglitz. Aujourd'hui encore, le produit intérieur brut (PIB), sa croissance et son niveau par habitant restent les indicateurs le plus communément utilisés pour juger de la situation d'un pays. On connaît déjà beaucoup d'autres indicateurs, mais le PIB est surtout difficile à dépasser parce qu'il traduit les valeurs dominantes de nos sociétés.

CE QUE MONTRE LE PIB

Le PIB comptabilise tout ce qui est produit, sur une période donnée, par du travail rémunéré au sein d'une éco­nomie. Comme tout indicateur, il repose sur des conventions. Le PIB traduit en effet un double consentement : en comp­tabilisant la production marchande à son prix de marché, il exprime le consen­tement des individus à payer pour ces biens et ces services. En intégrant éga­lement la production des administra­tions publiques, sur la base de leur coût de production, il reflète aussi les choix collectifs d'une société donnée et son consentement à l'impôt. La valeur qu'il exprime procède donc d'une double procédure de validation : le marché et le vote du Parlement. Difficile de dé­passer une telle convention de richesse dans une économie monétaire et une société démocratique.

Le PIB est aussi la clé de voûte d'un système de comptabilité nationale, qui offre une représentation cohérente de l'économie, en permettant d'agréger une multitude d'activités de nature très diverse par le biais des conventions monétaires. Ace titre, c’est un instrument irremplaçable pour comprendre comment la richesse monétaire est à la fois produite (par quelles branches d'activité, par combien de travailleurs ?), utilisée (est-elle consommée, investie, exportée, stockée ?) et répartie (dans quelle proportion rémunère-t-elle le travail et le capital ?). La croissance du PIB reste, enfin, un facteur essentiel pour apprécier la croissance de l'emploi, la sou-tenabilité des finances publiques ou encore l'avenir des régimes de retraites.

CHANGER DE BOUSSOLE

Le PIB n'en est pas moins une mesure extrêmement partielle. Par définition, tout ce qui n'a pas de prix (ou de coût) lui échappe : le travail ménager, les soins prodigués aux proches, les activités bé­névoles et citoyennes, mais aussi un air pur, une belle forêt, une mer poisson­neuse, un climat clément. Le PIB ignore ce qui est produit par du travail non ré­munéré, il ne tient pas plus compte des


services rendus par l'environnement que des ponctions irrémédiables que la pro­duction de richesses monétaires opère sur le stock de richesses naturelles.

Du fait de ces imperfections, il inclut toutes sortes de dépenses qui ont certes une valeur monétaire, mais dont l'utilité sociale est contestable : ainsi, en termes de PIB, produire des 4x4 est nettement plus avantageux que produire des vélos, même si les premiers polluent l'air et encombrent la chaussée des villes. Ces limites étaient perçues par les créateurs de la comptabilité nationale, mais elles n'apparaissaient pas majeures, à une époque qui était dominée par l'impératif de progrès matériel.

Depuis les années 1970 en revanche, l'équivalence entre croissance du PIB et progrès humain est de plus en plus contes­tée. Le lien entre, d'une part, le niveau du PIB et, d'autre part, la consommation d'énergies fossiles et les émissions de CO2 est manifeste. Toutefois, la corrélation entre le PIB par habitant et des éléments essentiels du développement humain tels que l'espérance de vie et le degré d'instruction (1) disparaît largement à partir d'un certain niveau de richesses. Sans parler d'une multitude de problèmes plus techniques, liés aux transformations

structurelles des économies (internatio­nalisation, dématérialisation, accélération du renouvellement des produits, valori­sation des actifs, etc.), qui biaisent de plus en plus la mesure de la croissance et les comparaisons entre pays.

UN CHOIX POLITIQUE

L'idée qu'il faudrait changer de boussole est donc dans l'air depuis longtemps. Dès les années 1970, des économistes comme {âmes Tobin et William Nordhaus ont pro­posé de « corriger » le PIB, en y ajoutant les productions non marchandes et en en retranchant les coûts sociaux et environ-nementaux. Mais convertir ces éléments en équivalent monétaire repose nécessai­rement sur des conventions très discuta­bles. Aucune méthode ne fait consensus quand il s'agit de donner un prix à la bio-diversité ou au réchauffement climatique. Le principe même de la valorisation mo­nétaire est problématique quand la survie dépopulations entières est en jeu, puisque cela consiste dès lors à donner un prix à la vie humaine (ou animale).

 

 

 

Une autre méthode, plus arbitraire, mais plus transparente, consiste à faire la moyenne de divers indicateurs jugés pertinents. C'estl'option suivie par l'indice de développement humain (•), développé par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sous l'égide d'Amartya Sen. Plus récemment, l'em­preinte écologique (•) repose sur un principe analogue, en agrégeant diffé­rentes consommations à l'aide d'une unité de compte originale : leur équiva­lent en hectare global. Reste que tout indicateur synthétique repose sur une procédure d'agrégation. Celle-ci est inévitablement fondée sur les conventions contestables concernant. nature et la pondération des différents composants pris en compte. Compte tenu de leur sophistication, ils deviennent souvent opaques. Résultat : ce genre de démarche se révèle presque toujours problématique.

C'est pourquoi les organisations inter­nationales leur préfèrent plutôt des bat­teries d'indicateurs qu'on ne cherche pas a agréger en un indice synthétique unique. La •< stratégie européenne de développe­ment durable », par exemple, repose sur un tableau de bord de 155 indicateurs hiérarchisés en trois niveaux. Mais, ici encore, le choix de ces indicateurs n'est jamais neutre : il trahit toujours l'idée de ce que doit être une bonne société. Ainsi,

dans le domaine de l'emploi, les indica­teurs stratégiques européens mettent en avant le taux d'emploi des 55-64 ans, mais pas le taux de chômage. On peut pourtant penser que la baisse du taux de chômage est plus importante du point de vue du bien-être de la population et de l'équili­bre des régimes de retraite que l'élévation du taux d'emploi au-delà de 60 ans !

Le choix des indicateurs oblige donc toujours à s'interroger sur les objectifs des politiques et sur la hiérarchie des valeurs. La démarche qui consiste à confier la ré­flexion sur ce sujet à un aréopage d'experts a cependant tendance à masquer cette dimension de choix social et politique. Après le rapport Stiglitz, ce débat sur les valeurs que les Français voudraient voir refléter par les nouveaux indicateurs reste donc à mener en France. Nicolas Sarkozy tirera-t-il réellement les  conséquences du rapport en le lançant ? Ce seraitun revirement de la part du champion du « travailler plus pour gagner plus », lui qui promettait, quelques mois après son élection, d’aller chercher la croissance « avec les dents »

 

                                         SAfIDBA MOATTI

      En janvier 2008, Nicolas Sarkozy avait confié au prix « Nobel » américain d'éco­nomie Joseph Stiglitz le soin de présider une commission sur de nouveaux indi­cateurs de richesse (1) à mettre en place par la France. Son rapport, remis en sep­tembre 2009, ne propose pas de supprimer le produit intérieur brut (PIB). Il conseille d'abord d'améliorer le cadre de la comptabi­lité nationale en affinant notamment la mesure des services publics, tels que les soins de santé ou l'enseignement, comptabilisés aujourd'hui à leur coût de production (ce qui conduit à ignorer l'évolution de la productivité), il recommande également de mettre l'accent sur les revenus des ménages plutôt que sur la production, et de dépasser les seules moyennes pour fournir une information plus riche sur les inégalités et la répartition des revenus, il considère enfin qu'il faudrait esti­mer les services produits par les ménages pour leur propre compte (tel que le travail ménager, le soin des proches, etc.). Mais le rapport préconise surtout d'améliorer l'information statistique dans deux directions. D'abord, la qualité de vie. Il est nécessaire de mieux apprécier tous les facteurs qui y concourent : l'état de santé, la qualité de l'édu­cation, la sécurité physique et économique, les activités personnelles, les liens sociaux, la qua­lité de l'environnement, dans tous ces domaines, les indicateurs objectifs doivent être complétés par des enquêtes subjectives (quand on demande aux gens s'ils sont satisfaits de leur situation). L'autre direction est celle de la soutenabilité. Cette notion renvoie à l'idée d'un stock de capital naturel, mais aussi économique, humain et social, qu'il faudrait au moins préserver, sinon développer. Le rapport ne récuse pas l'approche qui consiste à convertir tous ces stocks en unité monétaire de manière à par­venir à un indicateur de soutenabilité unique - à l'instar de ce que fait la Banque mondiale avec son « épargne nette ajustée ». une telle approche repose cependant sur l'hy­pothèse, très contestable, que les différents types de capitaux sont substituables. Autre­ment dit, l'idée qu'on pourrait, par exemple, compenser la disparition des forêts tropi­cales par de nouvelles machines qui rem­pliraient des services équivalents... C'est pourquoi, la commission préconise aussi l'usage de quelques indicateurs physiques clés, comme le niveau des émissions de C02 ou celui des ressources halieutiques, dont il faudrait surveiller qu'ils ne passent pas au-dessus (ou au-dessous) d'un seuil critique.

 

(1) Le site de la commission Stiglitz :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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